Les Morts ne dorment jamais

Je les ai vus au revers des heures croulantes, celles qui n’énumèrent que des lendemains hésitants. Je les ai vus au creux de la Nuit, quand l’obscurité se fait temple et que le Ciel est assez ample pour embrasser toutes les âmes en peine. Je les ai vus errer vers les terres inconnues, celles où le Soleil ne se lève jamais, et où l’absence est une douce mélodie.

Les Morts ne dorment jamais car leur marche est infinie, chaque pas effaçant le précédent, le suivant creusant chaque fois plus le ravin à l’Horizon. Chaque pas est une catastrophe, chaque poussière soulevée le signe d’un monde qui s’écroule. Les nuages sont cléments, l’orage hurle néanmoins.

J’ai entendu les Morts dire des phrases fermées aux voyelles écorchées. À qui s’adressaient-ils? Sans doute aux heures sombres, sans doute aux mers absentes, sans doute aux pertes qui résonnent jusqu’aux extrémités du verbe. Sans doute aux étoiles et sans doute aux Dieux. Sans doute aux gouffres et aux crevasses. Sans doute à leur reflet, sans doute à leur ombre : qui d’autre pourrait bien les comprendre?

Les Morts ne dorment jamais, car ils cherchent encore une réponse. Sans doute viendra-t-elle, sans doute finiront-ils par l’écrire eux-mêmes.

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